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Partir... ( Vacances avec ma famille, saison II, suite)

Publié le par Gena Cassidy

Le climat

            Repos aujourd’hui. Lever aux aurores. Nous longeons la piscine, déserte. Le soleil tape. Fruit, thé, pancake au petit-déjeuner. Peu de monde. Ma fille lit, sur l’un des transats. Mon fils joue avec son dauphin gonflable. L’eau est fraîche.  La chaleur, lourde, épaisse, humide disparaît lorsque je plonge dans la piscine.

                Je sors la tête de l’eau, guide mon fils à califourchon sur son dauphin. Je pense au livre que j’ai amené avec moi. Un petit bout de France. Le roman que je suis en train de lire se déroule au milieu du XIXème siècle. C’est l’histoire d’une passion, d’abord, celle d’un jeune homme (issu de la bourgeoisie d’affaire, qui pour avoir été renvoyé de Polytechnique, se retrouve puni dans une garnison de Province, à Nancy, en tant qu’officier)  pour une femme (guère plus âgée que lui, veuve, issue de l’aristocratie parisienne, écartée des salons de la capitale par son propre père, malade qui la veut pour lui tout seul). C’est l’histoire d’une passion qui se nourrit de la solitude, de l’ennui, de l’inexpérience, qui s’attribue aux regards de l’un et de l’autre, se fonde sur l’incommunicabilité de l’un et de l’autre. C’est une intrigue politique, à une période charnière de notre histoire où la république, telle que nous la connaissons aujourd’hui, peine à se mettre en place. Cette histoire, c’est celle de Lucien Leuwen, double de Stendhal. Et c’est ce roman, inachevé, à l’édition posthume, qui m’a passionnée. Plus que les œuvres achevées chez les créatrices et les créateurs, ce sont les œuvres inachevées, embryonnaires, de jeunesse, les avortées, qui m’intéressent. C’est un laboratoire de tâtonnements artistiques, non une œuvre achevée parfaite, qui, finalement ne nous apprend rien d’autre sur le travail artistique que son résultat. C’est à ce roman que je pense alors que je me trouve dans la piscine, plongée dans l’eau froide jusqu’aux épaules, jouant avec mon fils et Flipper, son dauphin.

                Nous retrouvons cette atmosphère étouffante l’après-midi, nimbée des effluves maritimes. Le ciel est saturé de cette ardeur qui blanchit son bleu. Le temps est instable. Un temps bulgare. Le soleil très chaud laisse la place à des pluies diluviennes, alors que nous nous trouvons sur la plage, seuls. D’où le luxe vert de cette végétation. Un climat méditerranéen et tropical. La mer est agitée, le vent s’est levé, l’orage gronde, des éclairs zèbrent le lointain. Un arcus se forme du côté de la haute mer. Le lifeguard est absent. Le drapeau est rouge. Les aficionados du beachvolley, présents. La musique tourne en boucle. Ce temps tropical, nous l’avons eu à notre arrivée (alors que mon mari et nos enfants dormaient et récupéraient de la nuit blanche passée sur la route, je regardais ces trombes d’eau qui se déversaient sur l’hôtel. Puis, ce soleil, immédiatement très chaud et ce vent qui asséchait tout, illico presto.) Au bout d’un certain temps passé sous le drap de bain à se protéger des éléments nous nous décidons pour remonter à l’hôtel.

                 Lecture. Ecriture des traditionnelles cartes postales. Jeux de société. Mon fils me prépare à la machine à café, en libre service, un capuccino. Le sol est trempé. Les toits dégouttent d’eau. Je suis attablée, pendant que mon mari et mon fils jouent à Puissance IV. Je médite. J’écris.

                Quel est mon objectif d’écriture présentement ? Donner envie à mon lecteur de partir en Bulgarie ? Relater une expérience personnelle de dépaysement intérieur ? Un carnet de voyage ? Une sorte de guide touristique ? Un journal de bord ? Je ne sais pas encore. Il me faudra lire le Voyage dans le midi de Stendhal (j’aime son style, dix-huitièmiste, mordant, ironique, épigrammatique, à rebours des romantiques et de leurs épanchements. Je pense à Madame de Sévigné, et son esprit qui fonctionne beaucoup par antiphrase, aux maximes de La Rochefoucault, lacunaires, elliptiques, d’une efficacité redoutable, ou aux piquants portraits de Saint-Simon, le mémorialiste et à l’esprit Guermantes, naturellement).

                J’observe. Je note. Un hibiscus aux grosses fleurs rouges ornées de larges feuilles vert bouteille. Il y a aussi des bougainvillées avec ces fleurs rose indien parsemées de blanc, délicates, un saule pleureur gigantesque qui atteste de l’humidité tropicale des lieux. Il y a des géraniums. La nature est généreuse en Bulgarie. Les herbes sauvages s’approprient le bitume un peu partout. Les tomates sont délicieuses, pas dopées à l’ozone. Je pense au titre de ce travail d’écriture qui s’annonce… Pensées de voyage ? Peut-être bien. Il s’agirait pour moi d’écrire sur un thème de réflexion choisi, un paragraphe. Une réflexion. Une méditation, peut-être bien.

                 Je lève la tête de mon cahier. Mon fils me tend un deuxième cappuccino pendant que mon mari apparaît, un cocktail au sirop de rose à la main. Je dois rechercher ce que signifie orviétan mot que je découvre également chez Madame de Sévigné. A ajouter à  ma collection de mots. J’ai appris que faire sa sophie, c’est faire sa prude et que promener utilisé sans le pronom réfléchi est un provincialisme conservé par Stendhal dans son roman. Il n’a pas eu le temps de le corriger. Ironie tragique, lui dont le perfectionnisme frôlait la manie.

                Le soir, nous nous promenons dans le bazar situé entre notre hôtel et la plage en grignotant du popcorn. Nous nous perdons dans la foule dense et changeante. Une brise fraîche passe. Celle de la mer. Bien vite recouverte par les sillons capiteux des parfums bon marché. Les femmes ont ce charme slave, jeune, vulgaire et tape-à-l’œil.

                Unique.

                                                                                                                Vendredi 13juillet

 

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