Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Partir... ( Vacances avec ma famille saison II, suite)

Publié le par Gena Cassidy

L’importance d’être soi.

            Je me suis réveillée ce matin avec nuque-en-bois… Systématiquement, quand je voyage, elle se rappelle à moi. De la nuque au bas des omoplates, impossible de bouger, de me lever seule, de mettre mes boucles à mes sandales. Ce qui me fait mesurer la fragilité de mon existence, la précarité de notre vie, qui ne tient qu’à une boucle de sandale. Cela ne va pas m’empêcher de nager dans la piscine, la mer, de marcher, de danser, de courir, de prendre du bon temps avec nos enfants. Participer au flow du monde.

             La gastronomie bulgare. Tapenade, houmous, soupe de betterave, de tomate, de melon, pastèques, cerises, concombres, yaourt bulgare, tomates, graines de lin, de tournesol, de courges, agrumes, crevettes sautées dans un wok (un délice pour les papilles), huile d’olive, miel, aneth, estragon, persil, menthe, feuille de vignes, galettes de maïs, maïs grillé, crème à la vanille, petites meringues, pour plaire aux occidentaux que nous sommes, pâtisseries orientales, à tomber par terre.

            Les paysages bulgares. La Bulgarie est un petit pays à l’est de l’Europe, qui borde la Mer Noire. Une mer fermée sur elle-même. Une enclave maritime. Au nord de la Bulgarie, se trouvent la Roumanie, au sud, un bout de la Turquie, le détroit du Bosphore. Face à ce petit bout de terre bulgare, de l’autre côté de la mer, se trouvent la Georgie, coincée entre la Turquie et un bout de Russie, puis c’est l’Ukraine. Ce sont des terres riches, historiques, épineuses, pétries de contradiction spirituelles, intellectuelles, géopolitiques, à mi-chemin entre l’orient et l’occident, au carrefour du christianisme et de l’islam. Les terres rêvées pour que des conflits larvés ne cessent de couver, et éclatent, sporadiquement. Les paysages bulgares ne portent pas véritablement les traces belliqueuses des heurts entre ces deux civilisations. Malgré l’épuisement de ses ressources par des décennies de domination soviétique, la vie semble être relativement préservée.

            Les Golden Sands. La mer noire y est magnifique, calme, paisible, laiteuse, plate. Une eau bleutée, pâle, d’une seule teinte, épaisse. Tranquille (de même pour, le ciel, comme un écho). Pas l’ombre d’une algue. Pas l’ombre d’un coquillage, non plus… Des kilomètres et des kilomètres de plage, de quoi se retrouver un peu avec soi-même. Tôt le matin ou tard, le soir. Sinon, overdose de foule… S’égrènent sans discontinuer une succession de payottes, de marchands de souvenirs, de bureaux de change, de transats, de parasols, de plages privées, d’un mince banc de plage publique, de bars, une bande son musicale de dix heures à cinq heures du matin. Une playlist de titres electro internationaux. Des écrans géants, qui se tiennent, au-dessus des toits d’immeuble, diffusent des images de de filles plus ou moins dénudées. Elles dansent. Une forme de sensualité exacerbée et paradoxalement, froide, sophistiquée. Je remarque que la majeure partie de la population que je croise est blanche, masculine, jeune et touristique. Allemande, russe. Peu de français. Peu de bulgares. Elle se déplace par bande, garde la même place, les uns sur la plage publique, l’étroit bandeau coincé entre la mer et la plage privée dont moi-même je profite, ou plus haut près des terrains de beach volley qui sont nombreux, réputés. Dans les bars. Peu de filles. Blanches, jeunes, allemandes, russes, elles aussi. C’est que nous nous trouvons dans une station plébiscitée par la nomenklatura soviétique du temps de la guerre froide. Il y a des restes. Je me sens d’autant plus étrangère à tout cela.

            Pas étrangère à moi-même, ce qui est déjà ça. A l’étranger, il n’y a rien de pire que de se sentir étranger à soi : c’est comme un exil intérieur, quelque chose qui peut être terrifiant, par certains aspects. Cet exil intérieur est bien pire que la nostalgie du pays natal.

            Reprenons notre inventaire. Des fish spas, des petits photographes qui prennent des clichés de vous en costume d’époque. Ils attirent leur client en demandant à des jeunes filles à la belle apparence de défiler, en costume d’époque, « revisités ». Le glacier. Les supermarchés Aldo. Les souvenirs, made in china, en grande quantité. Un haut-le cœur me saisit lorsque je parcours les allées peuplées de ces objets de pacotille.

            Tourisme de masse…

             Le soir, alors que le soleil se couche, mer et ciel se confondent dans un camaïeu de bleus tendres. A croquer. Je pense aux paysages maritimes d’Eugène Boudin. La plage est déserte. Les transats s’alignent, en bois, selon un infini de possibilités qui m’échappe, sous la bonne garde du surveillant qui veille au grain comme à la prunelle de ses yeux. Si tu prends plus de deux transats, gare à toi. Les grappes de garçons ponctuent de temps à autres de leurs rires sonores le silence tout relatif. La musique electro n’est jamais bien loin. Un feu d’artifice contemplé au pied du casino, chaque soir. Les cris de joie des spectateurs qui fusent, eux aussi. Un barbecue géant, des bretzels, salés, croustillants et moelleux à la fois. Une brioche toute chaude, toute gonflée. Je pense à la brioche dominicale du petit Marcel dans La Recherche du Temps perdu.

            Profiter des choses de la vie. Les raconter. Ma raison d’être, ici-bas.

                                                                                                                      Mercredi 11 juillet

 

Commenter cet article